Richard Konan

Souvenir de la classe de 6ème

« Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît », disait l’écrivain et poète Birago Diop.

J’ai eu envie de partager avec vous ce billet tout en laissant libre cours à ma mémoire de retourner dans mes années collèges et ramener « le fagot qui lui plaît ».

Le moment qui nage immédiatement dans l’océan de mes souvenirs est le premier jour de l’année scolaire. Je venais d’être orienté au collège moderne Nangui Abrogoua d’Adjamé en classe de 6ème. Pour rallier la maison et mon nouveau temple du savoir, je devais emprunter un bus de la Société des transports abidjanais (SOTRA). Il me fallait monter à bord de l’autobus numéro 08, assurant la ligne Abobo-Adjamé (deux communes de la ville d’Abidjan).

Élève cherche école ! 

Imaginez un élève d’un peu plus de dix ans n’étant presque jamais sorti de son Abobo natal, tout seul pour son premier jour d’école. Je n’ai pas eu de mal à m’engouffrer dans l’un des bus arrivé en haletant au terminus. Mais là où les choses se gâteront pour moi, c’est quand j’ai oublié l’arrêt auquel je devais descendre. Avec du recul, cela me paraît étrange de n’avoir pas pu simplement me renseigner. Bref, le mal est déjà fait. Par peur de rater l’arrêt, je décide de descendre au pif. Et là, débute ma galère.

Je me mets à marcher comme un automate jetant le regard ça et là, priant le ciel que le collège moderne Nangui Abrogoua surgisse devant moi. Mais oh non ! Je ne vois que des marchands et des magasins. Le pauvre élève de 6ème se met à transpirer à grosses gouttes. Il marche, marche et marche. A un moment, je jette un coup d’œil sur la montre que m’avait offerte mon père. Lui devait se dire que son fils suivait avec attention les premiers cours de la classe de 6ème. S’il savait !

La longue marche vers le savoir

De grosses gouttes de sueur ruisselaient sur mon visage. A cette époque, je ne portais pas de lunettes pharmaceutiques alors, ces fameuses grosses gouttes empruntaient directement le chemin menant à mes yeux. Le chemin vers le savoir était aussi jalonné de rayons de soleil ? Il était déjà 8 heures. J’avais cours à 7 heures 15 si ma mémoire ne me trahit pas. Tout en longeant le boulevard Nangui Abrogoua, je jetais des regards en quête de mon école. Les minutes se sont écoulées et le temps est passé. Toujours pas d’école. Mon uniforme kaki, bien repassé par le blanchisseur de mon quartier, souffrait le martyre, malmené par la sueur. Quel calvaire !

J’ai débarqué au collège moderne Nangui Abrogoua après 9 heures. Comment ? N’en pouvant plus, le jeune élève s’est adressé à un monsieur assis devant un magasin. Ce gentil monsieur a mandaté l’un de ses vendeurs pour m’accompagner et me montrer le chemin.

Quand je suis arrivé dans mon nouvel établissement, précisément à la salle 9, madame … (ma prof de français) était en plein cours. J’étais tout en sueur. Surprise, elle m’a demandé: « tu es de la classe ? » J’ai respiré un grand coup avant de répondre « oui, madame ». Ma réponse fait rire des élèves. Un regard de la prof a vite fait d’imposer rapidement le silence.

En souvenir de tous les élèves de la 6ème 9 avec qui j’ai passé d’agréables années.


« Femme du 8 mars » ? Non merci.

Assis paisiblement sous le baobab, je me suis mis à penser à cette célébration dédiée à la femme. J’ai l’impression que quotidiennement la femme n’est pas assez vue. Et quand arrive le 8 mars, hop! on la couvre de baisers, de compliments, de qualificatifs sortis des plus beaux livres de citations. On fabrique une « femme du 8 mars ». Cette femme-là est sans défaut. Pleine de qualités, elle plaît à tout le monde. Tous l’aime et l’adore. Tellement que certaines en sont jalouses. Imaginez-vous, les gouvernements du monde entier (particulièrement les ministères qui lui sont dédiées) pondent des messages à son honneur !

La femme célébrée le 8 mars…

Il y a seulement quelques jours, les départements créés pour elle étaient tellement muets que le silence faisait plus de bruit. Mais aujourd’hui, les médias se mobilisent pour elle. Des soirées nec plus ultra sont organisées. Le décor est à couper le souffle. Tout est beau, juste pour le plaisir de la « femme du 8 mars », qui vit un vrai conte de fée. Le monde entier n’est-il pas à ses pieds? Si. Mais pour combien de temps?

Quand le lendemain du 8 mars, un nouveau soleil se lève, la « femme du 8 mars » retombe sur terre, désillusionnée. Tous ses admirateurs ont disparu. Plus personne ne parle d’elle. Ou peut-être que si, mais désormais au passé. Les habits somptueux qu’elle avaient revêtus perdent de leur couleur. Son visage hier si radieux n’attire plus personne. Le monde a repris ses habitudes, la vie son cours normal.

Et après le 8 mars ?

Et pourtant, il y a à peine un jour, la « femme du 8 mars » cristallisait les regards et l’attention. Maintenant, elle peut bien mourir dans un hôpital au cours d’un accouchement ou encore subir les violences sexuelles d’individus dépourvus de honte, cela n’émeut plus personne. Sa vie n’intéresse plus. On attend le 8 mars prochain pour passer la pommade sur ses blessures. La « femme du 8 mars » n’a pas le droit de souffrir à cette date. Elle a toute l’année pour le faire. Pas un « 8 mars », si précieux.

Ce tableau si pâle ne trouvera aucun acheteur. Pour la simple raison que la femme qui y figure est une métaphore de la tristesse et de la souffrance. Arrêtons de ne la célébrer que le 8 mars. Et si nous faisions en sorte que le 8 mars soit tous les jours. Qu’elle se sente aimée et entourée de personnes qui la comprennent. Que sur terre disparaisse la « femme du 8 mars » pour faire place à la femme. Tout simplement. A bientôt!


Que font-ils à Mandela?

Le pays de Nelson Mandela va mal. Jacob Zuma vient de rendre le tablier après neuf ans à la tête de l’Afrique du Sud. Une seconde démission dans l’histoire de la nation arc-en-ciel, suite à celle de Thabo Mbeki, le 21 septembre 2008.

Le 14 février 2018 restera éternellement gravé dans la mémoire de mes frères sud-africains. Ils retiendront que ce jour-là, Jacob Zuma, leur président, a démissionné. Il est  vrai que ce n’est ni la première encore moins la dernière fois qu’un chef d’Etat africain démissionne. Mais pour moi, jeune africain,  fasciné par le passage sur terre de Nelson Mandela, je suis meurtri par les couleurs que prend l’arc-en-ciel en Afrique du Sud.

Nelson Mandela représente à mes yeux un véritable symbole. Je me suis toujours dit que mes frères sud-africains ont de la chance de compter ce personnage historique dans leur rang. « Madiba » avait sûrement ses défauts mais il a su comprendre que faire la politique c’est se dévouer à la cause des autres, surtout des plus faibles. Les portes de la geôle lui ont grandement ouvert les bras à cause de ce choix. Pourtant, l’homme n’a nullement été ébranlé par vingt-sept années de prison.

Incarcéré parce qu’il voulait d’une Afrique du Sud où Blancs et Noirs pourraient rire et pleurer ensemble, Mandela a continué de croire en l’Homme. Quand il accède à la magistrature suprême le 9 mai 1994, ce héros tend la main à ses ennemis d’hier. Mandela n’a accordé aucune place à la rancœur.

« Je suis ici devant vous non pas comme un prophète mais comme votre humble serviteur. C’est grâce à vos sacrifices inlassables et héroïques que je suis ici aujourd’hui. Je mets donc les dernières années de ma vie entre vos mains. (…) Aujourd’hui, la majorité des Sud-Africains, noirs comme blancs, reconnaissent que l’apartheid n’a aucun avenir. Ce système doit être aboli d’un commun accord afin de reconstruire la paix et la sécurité. (…) La situation qui nous avait poussés à prendre les armes existe toujours aujourd’hui. Nous n’avons pas d’autre choix que de continuer », s’était prononcé le nouveau président de l’Afrique du Sud multiraciale (cf. Lemonde.fr).

Nelson Mandela, après une existence bien remplie, dédiée au service des autres, a quitté l’enveloppe charnelle le 5 décembre 2013, à l’âge de 95 ans. L’Afrique entière a pleuré son fils.

Depuis la lagune Ebrié, j’ai été pris de compassion pour mes frères et sœurs sud-africains, désormais orphelins. Ils venaient de perdre Nelson Mandela. Après les hommages et l’inhumation de « Madiba », je faisais partie de ceux qui s’inquiétaient pour l’Afrique du Sud.  Avec du recul, je pense n’avoir pas eu tort.

Comme dans bien de pays africains (dont le mien), à la disparition du « père de la nation », la guerre des héritiers plonge nos nations dans le désespoir. Les « enfants » de Mandela n’ont pas assuré. A en juger par les démissions de deux présidents successifs: Thabo Mbeki et Jacob Zuma. Avec la même ferveur qu’hier, Cyril Ramaphosa est accueilli.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on devrait à mon sens s’attendre à une triste répétition d’événements.

Le président qui a remplacé le président est venu aux affaires comme l’autre président…

Pourvu que l’histoire me fasse mentir, pourvu que l’avenir me fasse dédire, pourvu que Mandela les inspire !


Mon cher Trump…

Cher Trump, désolé d’avoir mis tout ce  temps pour te répondre. Tu sais, chez nous, on a tellement de problèmes que j’avais complètement oublié de t’accorder une réponse à ton récent message.

Regarde, par exemple, la dernière fois, le petit Kouadio a…Non je ne vais pas te prendre la tête avec nos soucis.

Mais qu’as-tu encore fait? Il parait que tu t’es attiré la foudre de certaines personnes pour avoir dit des énormités? Non Trump, on t’a pourtant toujours dit de « tourner ta langue sept fois avant d’ouvrir la bouche ». Voilà que maintenant tu as réussi à nous mettre dans l’embarras. Comment t’arranges-tu pour causer autant de dégâts? On ne traite pas les autres de m… tout de même ! Trump, il ne faut surtout pas te laisser emporter quand tu prends la parole en public.

Pour tout te dire, je n’ai pas cru quand les gens m’ont rapporté tes propos. « Non, Trump ne peut pas dire de telles choses. Cela ne lui ressemble pas », ai-je répondu à tous ces individus. Je les voyais simplement comme tes détracteurs, tes ennemis.

C’est avec tristesse que j’ai constaté que tu avais effectivement lancé ces paroles…Je n’ose même pas les répéter. Pourquoi donc?

Désormais, tes détracteurs et ennemis ont de l’eau dans leur moulin. Tu sais pertinemment que lorsque tu as revêtu les habits de président de la République de la plus puissante des nations au monde, des personnes ont annoncé l’apocalypse. Mon cher Trump, cherches-tu à leur donner raison? Je suis surpris par tes propos. C’est quoi le problème? Ne parle pas aux ressortissants des autres pays comme tu le fais avec tes nombreux employés. Cela ne peut pas marcher.

Tout ce que tu as déjà réussi à obtenir et que tu obtiendras encore si tu persistes, Donald, ce sont de vives réactions. Les individus que tu as traités de m… ont été choqués, tes compatriotes ont aussi été choqués. J’ai cru entendre que tu as démenti avoir utilisé de tels mots (j’en doute fort).

Je t’en conjure, dorénavant, remue sept fois ta langue dans la bouche avant de prendre la parole. Ensuite, inspire puis expire au moins cinq fois, redis en ton cœur les mots que tu t’apprêtes à prononcer et s’ils te semblent toujours opportuns, libère-les. Dans le cas contraire, tu nous auras à tous épargner de passer des heures sombres.

 

Cordialement.

 


Cinq chansons d’Alpha Blondy à la carte

En ce second jour de l’an 2018, je me propose de vous faire  (re)découvrir cinq chansons d’Alpha Blondy.

  1. Brigadier Sabari

Cette chanson d’Alpha Blondy sortie en 1982 sur l’album Jah Glory marque le début de la glorieuse carrière du reggaeman ivoirien. Le chanteur y implore la clémence du brigadier et dénonce les brutalités policières. La chanson est chantée en Malinké, une langue du nord de la Côte d’Ivoire.

https://www.youtube.com/watch?v=8AajO0XjIJU

2. Cocody Rock

C’est en 1984 que le titre Cocody Rock d’Alpha Blondy est mis sur le marché. J’adore le roulement de batterie dès l’entame de la chanson, puis la belle mélodie qui sonne tel un hymne à la vie. C’est l’une des plus belle chansons de Jagger (surnom donné à la méga star ivoirienne).

3. Téré

Comment ne pas tomber sous le charme de « Téré » (soleil en langue malinké) ? Alpha Blondy a réussi avec brio à nous communiquer sa foi en la vie. Koné Seydou (de son vrai nom) déclare avoir pour ami l’infatigable soleil. A l’image de cet astre, Alpha Blondy se bat sans relâche pour se faire une place… au soleil. Le rythme langoureux de la chanson est trop charmant !

4. Bory Samory

Véritable hommage au conquérant Samory Touré, cette chanson nous fait voyager dans le passé avec Alpha Blondy. L’artiste veut à tout prix prévenir ce grand guerrier africain de l’arrivée des Blancs. « Bori, bori Samory, Toubabouhou bikôh oko obi faga, Bori, bori Samory, Nazarou bikôh oko obi minan. ». Le chanteur demande à Samory Touré de prendre la fuite pour éviter de se faire prendre.

5. Come back Jesus

Dans ce joyau, Alpha Blondy supplie Jésus de revenir car la lumière et la paix et l’amour on disparu de la surface de la terre. Jagger a de la peine quand il voit les hommes se faire la guerre. « Oh come back Jesus, come back light, come back Jesus, my Lord, come back love », chante Alpha Blondy.


Les Africains aiment trop « porter des coups » à l’Etat

Je le sais, nous Africains, sommes tous « proud to be African ». Mais reconnaissons que certains de nos frères exagèrent! Pour si peu, ils « portent des coups » aux États. Non mais ce n’est pas possible.

Un président mène tranquillement sa vie; il se sert peinard dans les caisses et non pardon, il profite dans la quiétude de son budget de souveraineté. Il faut toujours que des gens se lèvent pour lui porter un coup. Quelle jalousie!

Ces gars-là viennent un matin et ôtent le pain de la bouche du dirigeant. « Ne faites pas aux autres ce que vous n’aimeriez pas qu’on vous fasse. » Pourquoi vous êtes comme cela même? Si nos dirigeants servent dans nos caisses, pardon (qu’est-ce que j’ai à la fin?), profitent de leurs avantages, n’est-ce pas normal? Et pour cela, des individus, avec la complicité de certains étrangers (où est leur problème?) « portent un coup à l’État ». Pour si peu.

La plupart des pays africains ont connu des « coups portés » contre eux. Un matin, des gens se lèvent, foncent en direction de la télévision nationale (ils ne peuvent pas créer leur propre télé?) et proclament « un coup porté contre l’État ». Il faut que cela cesse. Laissez nos Etats tranquilles! Surtout que les coups, ça fait terriblement mal. Cela dépend de l’endroit où tu le prends. A la tête, tu risques de taper un vertige; au bras, la fracture n’est pas loin. Imaginez que vous recevez un coup au ventre! Le mal remontera dans votre estomac ou peut être ira se loger dans un de ces nombreux organes de cette partie du corps (je vous épargne l’anatomie). Dans tous les cas, un coup ça fait mal.

Un coup porté à l’Etat fait tout aussi mal. Oui bien sûr que croyez-vous? L’Etat ressent les douleurs, les peines et les joies. Tout comme vous et moi. Quand on lui administre un coup, c’est sûr que on lui fait terriblement mal…économiquement, culturellement, sociologiquement, politiquement…


Dans mon pays, on ne chante pas sous la douche…

J’ai grandi avec une liste de superstitions de mon pays. Je vous les partage à travers ces billets. Selon le dictionnaire Larousse, une superstition est  » une croyance fondée sur la crainte ou l’ignorance qui prête un caractère surnaturel ou sacré à certains phénomènes, à certains actes, à certaines paroles ». Et pour tout vous dire, j’en connais une tonne.

Superstitions de mon pays

On ne siffle pas la nuit

On nous l’a toujours dit. C’est surtout lors de mes vacances scolaires au village auprès de mes grands-parents que j’ai mesuré l’ampleur de cette injonction. Des cousins ont subi le courroux du pépé pour avoir siffloter alors que la nuit noire avait revêtu le village de son drap. J’ai ouï dire plus tard que le son que l’on émet en sifflant la nuit attire les serpents. Je n’ai jamais eu envie de vérifier…

Ne chante pas sous la douche

Dans mon pays, la douche n’a rien à voir avec la musique. Alors là pas du tout! Tu te sens un talent de chanteur? Attends de sortir de ta salle de bain. Si tu t’entêtes, un revenant apparaîtra et tu en auras pour ton audace. C’est ce qu’on nous a toujours dit donc…

Évitez de vous faire couper les cheveux…la nuit

Je ne suis malheureusement pas à mesure de vous dire la raison pour laquelle il est interdit de se faire couper les cheveux la nuit. Une chose est sûre, cette interdiction est prise au sérieux dans mon village. Gare à celui qui sera traversé par l’envie de se rendre beau quand la lune pointe dans le ciel!

On ne saute pas les pieds d’une femme enceinte

Ne vous avisez pas à passer par dessus les pieds d’une femme qui porte un bébé. Elle vous demandera dare dare de refaire le même geste mais dans le sens contraire. Il est fort possible que quelqu’un d’autre crie: « Qu’est-ce que tu fais comme cela? Viens sauter son pied encore! »

L’argent ne se donne pas avec la main gauche

Si vous avez le malheur de tendre de l’argent avec la main gauche, je n’ose pas imaginer la surprise, peut-être la colère même, de celui à qui vous tendez le billet ou la pièce. Voulez-vous lui porter malheur? Vite, changez de main.

Le plus intéressant, c’est que personne ne peut dire d’où proviennent toutes ces interdictions. On se contente juste de les respecter.


Ah ces écouteurs!

J’aime bien écouter la musique en me baladant tranquillement dans les rues de mon quartier. Pour ce faire, je fais appel à mes écouteurs. Connectés à mon téléphone portable, ces petits engins magiques me distillent de la bonne zik à l’oreille. Je peux également faire la navette entre les différentes stations radio pour suivre les infos. Par exemple, je peux sauter de Rfi à Bbc en passant par les radios locales. Moi qui croyais adorer les écouteurs, j’ai été surpassé par un monsieur de mon quartier.

Je ne vous dis pas! Ce mec n’est jamais sorti de chez lui sans son casque. « On ne sait même pas ce qu’il écoute! », lancent certains habitants de mon bled qui assurément en ont assez de son idylle entre lui et ses écouteurs. Tenez! Le matin, ce monsieur-là est tout le temps  avec ses écouteurs. A cette heure-ci, l’on se dit qu’il écoute les informations.  Ce cher monsieur change même les modèles d’écouteurs: noirs, rouges, blancs (oui j’ai pris mon temps pour observer), tout y passe. Face à lui, je ne suis qu’un amateur. Cela m’a amené à penser aux dangers liés au port des écouteurs.

Attention! Écouteurs… danger

Un jour, sur le chemin du boulot, j’ai dû interpeller une jeune élève sur son imprudence. Cette jeune apprenante, vêtue de son uniforme bleu et blanc, n’entendait pas les cris d’un homme à vélo (il n’avait pas de klaxon) qui fonçait droit derrière elle. « Ma chérie, quand tu mets tes écouteurs baisse le son de la musique ou libère l’une de tes oreilles », lui ai-je lancé quand elle a retiré ses écouteurs à la vue des passants qui gesticulaient pour attirer son attention. Vous savez ce qu’elle a fait? Eh bien, elle a souri et a remis ses écouteurs à l’oreille. Sans blague!

Le pire c’est qu’elle n’est pas la seule dans ce cas. Ils sont nombreux ces férus de cet accessoire qui se transportent et se transposent dans un autre monde grâce aux écouteurs ou casques. Il y en a qui chantent en pleine rue à tue-tête comme s’ils étaient sous la douche. Ils n’entendent plus rien autour d’eux. J’ai fait un petit tour sur le dictionnaire en ligne Wikipedia.

Selon ce site, « les bruits extérieurs recouvrant parfois le son des écouteurs, les utilisateurs ont tendance à augmenter le volume de façon à toujours entendre le son ce qui peut mener à des lésions de l’oreille ». Toutefois, les écouteurs « mèneraient à un renfermement. Ils isolent plus ou moins des sons extérieurs ce qui peut mettre son utilisateur en danger, particulièrement lors de la conduite d’un véhicule ou la circulation dans des lieux publics, le bruit d’un danger approchant n’étant plus perçu ». En clair, l’écouteur peut nuire à l’être humain et le mettre en danger lorsqu’il est dans la rue.  Et cela peu de gens le savent.

Trop de rues pleine d’écouteurs

Ces petits objets peuvent être sources de problèmes de santé (crédit photo: Clément Delafargue)

Depuis que j’ai compris les risques encourus quand on flanque un écouteur dans ses oreilles, je me suis mis à comptabiliser les gens qui en portent dans les rues.

Le constat est frappant. Quelque soit la commune (Treichville, Marcory, Abobo, Adjamé), les habitants sont nombreux à adorer les écouteurs. La palme revient aux ados. Et ce sont bien eux qui ignorent le plus souvent les dangers. Pour eux, il faut être branché, « swag », « fashion », c’est tout. Chers amis, y’a problème dedans! Faire le malin d’accord mais la santé d’abord. En tout cas moi désormais, je fais très attention. Bon, je vous attend sous le baobab pour d’autres discussions amicales.


Esclave de mes frères

Esclave. Esclave. Ce mot me collera à la peau aussi longtemps que j’effectuerai mon voyage terrestre. Je ne le porte pas fièrement. Honte à moi! Pauvre esclave de mes frères!

 

Mes ancêtres ont porté les marques de l’esclavage dans leur chair. Ils m’ont laissé en souvenir la tristesse et les larmes. Ancêtres miens, qui connaissez les champs de canne à sucre et de coton. Ces braves hommes et femmes ont fait retentir leur belle voix en Amérique. Je me demande si leurs maîtres n’ont pas eu le cœur touché par ces mélodies.

 

Esclave  descendant d’esclave, je le suis! Il paraît que ma couleur de peau est un fardeau que je dois porter durant toute mon existence. L’humanité m’a réduit au rang de simple animal. Il arrive que je sois classé derrière l’espèce animale.

 

Les années sont passées et les choses ont évolué. L’esclave a fini par revêtir des habits d’homme libre. Désormais, pour respirer il n’avait plus besoin de la permission de l’homme blanc. Allez-y dire cela à mes ancêtres! Vous recevrez une tonne d’injures capables de vous faire sentir un moins que rien.

 

Ah la liberté! Parler quand on veut dormir dès que les paupières s’alourdissent, rire sans peur. Jadis enchaînés tels de vulgaires bêtes, l’esclave peut aujourd’hui brandir fièrement ses deux mains, libres de tout lien. Ah la liberté! Je la sens, je la vie, je la communique.

 

Ma liberté a été, hélas, de courte durée. Moi qui croyais que les chaînes s’étaient éloignées de moi à jamais! Oh que non! Ma liberté n’était que provisoire. Le plus triste dans ce retour aux enfers, c’est que je suis le prisonnier de mes…frères. Comme les frères de Joseph, mes frères, après m’avoir pris ma liberté, m’ont vendu. Mes frères ont jugé utile de me reprendre ma liberté.

 

« Dieu fit la liberté, l’homme a fait l’esclavage”, disait  Marie-Joseph Chénier. Ô ces mots ont de la valeur à mes yeux! Le comptoir nègre est réapparu en Libye. Mes frères m’ont humilié. Ils m’ont transformé en un objet. Ils ont fixé mon prix. Mes frères libyens ont imité l’homme blanc. Mes ancêtres ont été réduits à l’esclavage par des étrangers Blancs…et moi par les miens, mes frères blancs. Dire que nous avons la même mère: l’Afrique.

 

J’ai honte d’être exhibé par des Africains en 2017. J’ai honte de ne valoir que quelques billets de banque. Le monde entier semble choqué par ce geste de mes frères libyens. Pure comédie…


La grève des mots

Il y a des jours où je me mets à rêvasser devant l’écran de mon ordinateur. Les mots ont du mal à sortir de ma pensée pour atterrir sur le clavier avant de finir leur course sur l’écran de mon ordinateur.

J’ai une envie de vous laisser quelques lignes afin de donner de mes nouvelles. Et bien évidemment en recevoir les vôtres à travers vos commentaires. Mais mes amis, parfois je me heurte à une page blanche que les mots refusent d’habiter. C’est Grand Corps Malade qui a dit « l’écriture sans âme n’est que lettre ». Je suis d’avis avec lui car les mots sont bien dotés d’une âme. Vous ne croyez pas ? Expliquez-moi alors pourquoi ils  font parfois la grève ?

Je les vois dans mon esprit. Je les sens. Ils communiquent entre eux. Il suffit de leur demander de rejoindre mon clavier pour se rendre compte qu’ils ont vraiment des humeurs. Tenez, une fois je leur enjoins d’élire domicile sur mon écran. Leur réaction m’a laissé froid dans le dos tant elle était glaciale. M’adressant au Bonheur, je lui fais une requête :

 

« Excusez-moi, monsieur, j’ai besoin de vous pour un texte que je suis en train de rédiger. »

 

Et lui de me lancer : « Pourquoi devrais-je vous suivre ? Vous les humains n’avez jamais su ce que je représente. Vous croyez me connaitre mais personne d’entre vous ne me respecte. »

 

Ne m’attendant pas à une telle réplique, j’ai perdu mon latin avant de pouvoir balbutier ces mots : « Vous faites sûrement erreur. Nous les humains passons toute notre vie à vous courir après. Vous êtes l’essence de notre bref passage terrestre. »

Mon clavier ne répond plus…les mots sont en grève (crédit photo: Nemossos)

 

Il a souri puis a disparu. Après cette mésaventure, je me suis heurté plus tard à un refus catégorique de dame Paix. La violence avec laquelle elle m’a évincé me laisse encore un goût amer. Ce personnage d’ordinaire si calme, si paisible et plein d’attention m’a montré un tout autre visage. Je ne le reconnaissais pas du tout.

 

Les mots étaient tout simplement en grève! Je n’en croyais pas mes… doigts! De simples lettres me résistent alors que je veux juste écrire des textes. Et si cela se limitait seulement au Bonheur et à la Paix, je ne tirerais pas la sonnette d’alarme. Mais hélas, ils s’y mettent tous. Les mots avaient résolument décidé de ne pas sortir de mes pensées.

 

Aucune lettre n’avait envie de me satisfaire. J’avais juste besoin de remplir cette page vierge qui piaffait d’impatience sur mon ordinateur. Impatience qui a fini par m’habiter. Au moment où je tordais mon esprit à la recherche de solution à mon problème, j’ai aperçu l’INSPIRATION me faire de grands signes.

 

« Il est inutile de continuer à vouloir nous convaincre. Aucun d’entre nous ne te fera plaisir. Vous les hommes devez apprendre à nous respecter », laissa-t-il entendre.

Finalement, faute de mot, je n’ai pu vous donner de nouvelles fraîches depuis le baobab. Toutes mes sincères excuses.